L’histoire de la typographie ou la typographie dans l’histoire

Alors qu’elle s’efface souvent derrière le contenu qu’elle véhicule, aujourd’hui j’ai décidé de mettre en lumière la typographie ! Souvent oubliée ou mise de côté, son choix est pourtant déterminant lors de la création d’une image de marque, crucial en graphisme et non moins décisif pour un site internet.

Rendons ses lettres de noblesse à la typographie en faisant un peu plus connaissance avec elle. De Vinci, Louis XIV et bien d’autres ont croisé sa route et ont succombé à ses charmes.
À votre tour !

Rome : la grandeur typographique

Trajan, un empereur d’abord, une police d’écriture ensuite. Elle s’inspire des lettres gravées sur la célèbre colonne romaine. Face à la domination des Grecs en matière de proportions architecturales, les Romains posent alors celles en matière du tracé parfait de la lettre. Équilibre et géométrie deviennent les maîtres-mots des graveurs pour un résultat raffiné, élégant et indéniablement majestueux. Et oui, à l’époque seule la majuscule existait ! La raison : le manque de souplesse du burin et du marteau. Mais après tout rien de mieux que les capitales pour celle qui se voulait la plus grande d’entre toutes !

Charlemagne : la minuscule caroline

Charlemagne inventeur de l’école nous connaissons tous la chanson mais ce dernier inventeur de la minuscule caroline moins. Et pourtant, elle constitue la base de notre écriture actuelle ! C’est à Alcuin, maître de l'Académie palatine, qu’il confia cette tâche. Charlemagne avait pour souhait d’uniformiser les écritures régionales et de développer la lisibilité de la typographie, critère de nos jours primordial ! De support de pierre nous passons au parchemin. Il devient plus facile et plus rapide de tracer les lettres. Ornements, rondeurs, les caractères évoluent avec les mouvements de la plume.

Léonard de Vinci : les proportions avant tout !

Plus célèbre pour la Joconde que pour ses travaux en typographie, cet art n’a néanmoins pas laissé ce grand artiste insensible. Dans la lignée de ses travaux sur le corps humain, Léonard de Vinci s’est appliqué à démontrer mathématiquement l’existence d’un ordre divin en typographie. Règles et compas ont côtoyés les lettres sur ces nombreux schémas. À quand leur exposition au Louvre ?! En attendant on peut admirer sa lettre M dans le logo du Metropolitan Museum Of Art de New York !

Gutenberg - Luther : le caractère gothique

Actuellement très peu utilisée, la famille des fractures a pourtant eu son heure de gloire. Le caractère gothique est en effet celui utilisé par Gutenberg pour imprimer le tout premier livre occidental : la Bible. Succès international pour une écriture locale ! Ce rattachement typographique dans l’imaginaire à l’Allemagne est encore aujourd’hui présent dans nos esprits. Son utilisation par Luther pour diffuser la Réforme n’y est pas étrangère.

Louis XIV : la danse, le théâtre mais aussi…la typographie

L’éclat de la France à l’époque se manifestait dans tous les domaines mais la typographie n’est pas le plus relaté. C’est pour faire face aux imprimeurs hollandais que le Roi Soleil passa commande d’un nouveau caractère. Sobrement baptisé le Romain du Roi, il fut imaginé par le graveur Philippe Grandjean. Partant sur la base du Garamond, une certaine rigueur lui fut attribuée. Très géométrique, cette typographie à la française présentait d’importants contrastes entre les pleins et les déliés.

Les Lumières : la révolution typographique

L’Encyclopédie a ouvert la voie vers une nouvelle conception du monde. Sa typographie quant à elle posa les fondations de la typographie moderne en revêtant de fins empattements et des pleins noirs. Derrière se cache un homme du nom de François Ambroise Didot qui, comme bien d’autres avant lui laissa son nom à l’écriture. Diderot et d’Alembert lui commandèrent un caractère d’une grande lisibilité et d’une grande sobriété. Non plus vedette comme dans la Rome Antique, la typographie se fait discrète pour servir au mieux les grandes idées de son temps. Un rôle qu’elle a toujours aujourd’hui.

Naissance des États-Unis : l’indépendance de la typographie

Document emblématique, la Déclaration d’Indépendance américaine a fait l’objet d’un intérêt typographique quelque peu particulier. Son impression a été faîte avec les caractères du graveur Caslon rapportés en Amérique par ni plus ni moins que Benjamin Franklin ! Avant d’être l’un des Pères fondateurs des États-Unis ce dernier était imprimeur de son état. Quant à la Caslon, son succès donna lieu à cette phrase : « When in doubt, use Caslon. » littéralement « si tu hésites, utilise Caslon ».

Napoléon : une victoire typographique

Décidé à marquer le monde de son empreinte, Napoléon se fit un devoir de le faire également dans l’univers de la typographie. Son souhait était de remplacer le « Romain du Roi » par le « Romain de l‘Empereur ». Ainsi, c’est à lui que l’on doit la naissance du Didot, toujours très apprécié de nos jours. L’Empire était alors à son apogée, il était nécessaire de le représenter par une écriture plus autoritaire que par le passé pour renforcer sa domination. On peut se demander à quoi ressemblerait la typographie des chefs d’états actuels, s’ils devaient en créer une :)

Révolution industrielle : la prise de poids des caractères

La typographie se libère de l’emprise politique pour faire une entrée fracassante dans le monde de l’entreprise. Chouchoute des publicitaires qui voient en elle la possibilité d’attirer le regard, elle s’épaissit pour prendre un aspect massif dépourvu de finesse. Ses formes géométriques, non sans rappeler les mécaniques industrielles, deviennent emblématiques de son temps.

Après-guerre : Futura, le reflet typographique de son temps

En Allemagne, l’heure est à la reconstruction matérielle mais aussi idéologique. Créée en 1927 par Paul Renner, la typographie Futura symbolise le renouveau de l’époque avec son tracé simple, précis, sans ornements. Au cours de la seconde guerre mondiale le caractère gothique réapparu. Il fut utilisé par Hitler pour renforcer la pression nationaliste. En 1945, toutes ces connotations ont laissé la place à un désir d’universalité. Le Futura fit son grand retour pour tourner le dos au passé et se tourner vers l’avenir. La typographie Futura est utilisée dans de multiples domaines de l’automobile avec Volkswagen au luxe par Louis Vuitton ou la télévision avec les logos de M6 et Canal +. Enfin c’est elle qui fut choisie pour l’expédition sur la Lune. De petits hommes verts ont peut-être appris à lire avec elle ^^.

Les années 60 : Pop jusqu’au bout des traits

Le mouvement hippie déferle sur le monde et choisi comme emblème une typographie charismatique, de personnalité : la Cooper Black. À l’image de son courant de pensée elle est généreuse et chaleureuse avec ses doux contours flottants. Elle bouscule les codes et tranche avec la rigueur et la sobriété des écritures l’ayant précédée. Complètement kitch mais tellement sympa que les Beach Boys l’ont choisit pour les représenter !

De nos jours : la consécration de la police Helvetica

Helvetica a été créée en 1957 par le suisse (oui, il y a un petit indice sur la nationalité dans le nom de la typographie) Max Miedinger, graphiste. Elle fut initialement nommée Neue Haas Grotesk non en raison d’un quelconque ridicule mais car une police grotesque est une police dénuée d’empattements comme l’est Helvetica. Sa grande neutralité la rend parfaitement adaptée pour véhiculer au mieux le sens de son contenu. Très lisible, la police Helvetica fut même choisie par les cabinets d’ophtalmologie pour vérifier notre vue. Présente sur Mac elle fut supplantée par Arial sur PC. Et pourtant Microsoft a composé son logo en Helvetica et non en Arial ;) D’autres grandes marques comme Mattel, Oral-B, American Airlines, Skype, Nestlé, Evian, ou encore BMW l’ont adopté. Et vous avez-vous cédé à la Helveticamania ?

Conclusion

De tout temps la typographie aura été un prolongement naturel de son époque, des modes qui se sont répandues, et des valeurs de l’entreprise à qui son choix revient. Il n’est donc pas étonnant de se retrouver aujourd’hui avec des typographies minimalistes et sobres alors que l’« épuré » s’est emparé de la société. Si vous voulez en savoir plus, vous pourrez retrouvez des histoires de typographies en téléchargeant l’application Typendium.

Et maintenant à votre tour de marquer l’Histoire de votre empreinte ! Vous pouvez créer votre typographie avec Illustrator ou encore Fontstruct qui constitue une alternative gratuite :)

Cet article a été rédigé à partir du livre Manuel de design graphique de Timothy Samara paru aux Éditions DUNOD.

Céline Maurugeon